êtes-vous face à une innovation de rupture par le bas
ou bien face à une simple baisse des prix d’entrée de gamme ?
Cette question est fondamentale car la réponse sera déterminante pour votre stratégie future.
La différence entre l’innovation de rupture par le bas et l’entrée de gamme
A priori, ces deux stratégies paraissent semblables. En réalité, il n’en est rien.
L’innovation de rupture par le bas n’est pas un positionnement « entrée de gamme ». Un produit situé en bas de gamme est un produit qui cible le même marché que le moyen / haut de gamme mais avec une performance moindre, des fonctionnalités en moins… Le produit est en quelque sorte « déshabillé »…
Ce produit d’entrée de gamme s’adresse au même client que le reste de la gamme : il permet au client de faire un arbitrage entre le prix et le degré de sophistication souhaité.
En revanche, l’innovation de rupture par le bas s’adresse à des non-clients qui n’ont pas les moyens d’acheter la solution existante, même en bas de gamme. De surcroît, les bénéfices apportés à ces nouveaux clients répondent à des besoins de base qui sont essentiels à leurs yeux. Il s’agit donc d’une offre nouvelle, avec des prix très bas. Enfin, elle utilise un modèle d’affaires innovant qui se traduit par une structure de coûts largement inférieure.
Prenons l’exemple de 3 ruptures par le bas : la Logan de Dacia, Southwest Airlines et le Compte Nickel.
La Logan de Dacia permet à des clients qui ne peuvent s’offrir qu’une voiture d’occasion d’acheter une voiture neuve. Elle offre des performances inférieures aux voitures concurrentes mais elle répond à des besoins qui comptent beaucoup pour la cible : grande fiabilité et habitabilité.
Lorsque la compagnie aérienne Southwest Airlines invente les vols lowcost aux Etats-Unis en 1971, elle cherche à séduire les voyageurs qui prennent la voiture plutôt que l’avion à cause du prix. Elle leur offre moins de possibilités (par exemple, pas de correspondances) mais elle leur fournit un service de qualité.
Dans le secteur bancaire, le compte Nickel offre des performances inférieures à celle d’un compte bancaire classique : aucun service de prêts ou de placements financiers n’est proposé. Mais il fournit des avantages uniques : les utilisateurs maîtrisent leurs frais. Ils ne subissent aucun frais d’agios puisque le service ne permet aucun découvert.
Si l’attaque sur le prix que vous subissez est du type entrée de gamme, vous pourrez répondre par un programme similaire (d’entrée de gamme aussi) afin de conserver vos clients et d’empêcher le concurrent de prendre des parts de marché. Parallèlement à cette stratégie, vous pourrez continuer votre montée en gamme en améliorant l’offre existante par des innovations incrémentales. Ce sont des techniques de marketing classique.
S’il s’agit d’une innovation de rupture par le bas…
Cette situation est beaucoup plus grave. La stratégie que nous venons de voir pour répondre à une attaque en entrée de gamme est inopérante. Et baisser vos prix ne servira à rien. De même, rester sans réaction vous sera fatal car ce type d’innovation de rupture finira tôt ou tard par détruire votre position sur le marché. Voici pourquoi…
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Cas n° 1 : vous ne réagissez pas car vous préférez le haut du marché
Pour le comité de direction d’un acteur établi, la décision de ne pas réagir devant un acteur qui mène une rupture par le bas, paraît rationnelle et pourtant elle est très dangereuse. C’est une stratégie qui apparemment tombe sous le sens : l’équipe dirigeante abandonne le bas du marché, un segment peu attractif et peu profitable, à des concurrents qui semblent inoffensifs. Il lui paraît plus intéressant et plus rentable de cibler les clients dans le haut du marché.
Malheureusement, une fois que l’innovateur menant une rupture par le bas a pris position, il en profite souvent pour monter en gamme et attaquer un segment de marché où les marges sont un peu moins serrées. De nouveau, les acteurs existants ne réagissent pas car ils préfèrent se concentrer sur les produits haut de gamme.
A ce jeu, ces derniers finissent par se retrouver, à long terme, sur un marché qui se rétrécit de plus en plus et dont les volumes permettent de moins en moins de financer leurs dépenses. Ce fut le cas de General Motors, de Ford et de Chrysler aux Etats-Unis lorsque Toyota est arrivé dans les années 1960 par le bas du marché. Puis il est monté progressivement en gamme et est devenu dans les années 1990 le leader du marché américain dans toutes les catégories de voitures.
Ne pas réagir face à une rupture par le bas n’est pas une option.
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Cas n° 2 : vous envisagez de répondre par une baisse des prix
Si vous décidez de vous lancer dans une guerre des prix, vous serez perdant. Pourquoi ? Parce que la rupture par le bas n’est pas simplement synonyme de prix bas. C’est une offre nouvelle très attractive pour une clientèle nombreuse, proposée avec un business model très différent et rentable. Aligner vos prix ne suffira pas à endiguer la disruption et épuisera vos ressources en rognant vos marges.
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Cas n° 3 : vous envisagez de faire vous aussi une innovation de rupture…
Tout bien pesé, il ne vous reste qu’une seule option : vous lancer vous aussi dans une offre en rupture. Vous pouvez, par exemple, décider de faire vous aussi une rupture par le bas. C’est une très bonne solution mais c’est une ambition difficile à atteindre.
En effet, la rupture par le bas exige une remise en question drastique de votre business model et de votre structure de coûts. Délivrer une offre de qualité à un prix très inférieur est un problème très complexe à résoudre.
Par exemple, le compte Nickel se passe d’agences bancaires et utilise les bureaux de tabac comme canal de distribution. Pour arriver à créer la Logan, le groupe Renault a repensé entièrement le processus de conception et d’industrialisation. Et ses concurrents n’ont pas réussi à imiter un tel modèle.
Vous pouvez aussi décider de faire une innovation de rupture d’un autre type. Par exemple, vous pouvez envisager l’innovation de sens, qui est la plus facile à mettre en place pour une entreprise établie, ou l’innovation nouveau marché qui offre l’avantage concurrentiel le plus durable.
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(1) Pour des raisons de confidentialité, je ne mentionnerai pas le nom de cette société.







Bravo pour cet article très clair, plein de bon sens et… trop rarement mis en pratique.
Merci pour votre commentaire qui me fait chaud au coeur !
J’ai compris beaucoup de choses dans cet article.
Comment puis-je faire pour approfondir davantage mes connaissances en matière d’innovation car je veux en être un consultant.
Si vous voulez approfondir, je vous conseille les cours du CNAM sur l’innovation : ils traitent de tous les aspects et sont donnés par des professeurs experts.