Je donnais récemment une conférence sur l’innovation de rupture et à l’issue de ma présentation, le cadre supérieur d’une grande entreprise vient me voir pour me dire : « votre démonstration est brillante. Mais innover veut dire affronter l’inconnu. Les entreprises détestent l’inconnu, en particulier ma direction qui a rejeté de nombreux projets d’innovation parce qu’ils étaient trop incertains. »
Cette question est très pertinente et beaucoup d’entreprises se font piéger parce qu’elles n’osent plus affronter l’inconnu. Cependant il existe une théorie qui montre comment affronter l’inconnu de manière organisée : le Concept-Knowledge.
En s’inspirant de cette théorie, voici les étapes-clés que, en tant qu’innovateur, vous devez suivre :
- Explorez les limites de ce qui se fait
Connaitre ce qui se fait de mieux et en comprendre les limites techniques constitue la première étape. Dans cette optique, faites en sorte d’avoir une bonne connaissance de l’état de l’art dans votre secteur.
Par exemple, Guy Laliberté, créateur du Cirque du Soleil, était familier de l’ensemble des arts du spectacle : à 22 ans, il crée la célèbre fête foraine de Baie-Saint-Paul au Québec qui rassemble les artistes de cirque et de rue de toutes spécialités. James Dyson, inventeur de l’aspirateur Dyson, connaissait bien les technologies utilisées dans les aspirateurs traditionnels. Les créateurs de la Swatch connaissaient parfaitement les technologies traditionnelles de l’horlogerie.
- Vous décidez de dépasser les limites…
Vous avez conscience d’un problème non résolu. Vous êtes frustré. Les experts vous disent : « c’est comme cela, il n’est pas possible de faire mieux. » Et pourtant vous refusez de vous résigner à cet état de fait. Vous décidez de trouver une solution.
C’était le cas de GuyLaliberté qui constatait que la formule du cirque traditionnel était plus couteuse et moins attractive que d’autres spectacles. James Dyson, fort de ses connaissances techniques dans les aspirateurs traditionnels, remarquait que le sac d’aspirateur provoquait une perte croissante de puissance d’aspiration. Dans les années 70, les montres japonaises prenaient des parts de marché à l’horlogerie traditionnelle, grâce à ses montres à quartz, plus précises et moins chères.
Ont-ils jeté l’éponge ? Guy Laliberté a-t-il pensé que l’art du cirque allait disparaître ? Les ingénieurs de Swatch ont-ils décrété la mort de la montre suisse ? Non. Voyons la démarche qu’ils ont entreprise…
- Allez voir dans d’autres secteurs ceux qui ont résolu des problèmes similaires…
Cherchez des connaissances au-delà des frontières habituelles. Si vous restez dans l’espace des connaissances traditionnelles de votre secteur ou de votre spécialité, vous tournez en rond. N’hésitez pas à rencontrer des gens d’un univers différent du vôtre. Les confrontations vous apporteront des idées riches et nouvelles… Soyez curieux.
Exemple: James Dyson a mobilisé les connaissances industrielles employées dans les ateliers de peinture pour séparer la peinture propre des poussières. Les ingénieurs de la Swatch ont exploré les possibilités de la plasturgie, une technologie alors inconnue dans l’horlogerie.
- Vous imaginez un concept désirable mais pour l’instant impossible…
L’exploration que vous venez de faire vous donne une intuition. Vous avez l’idée d’un nouveau concept qui pourrait résoudre le problème. Malheureusement, il n’est pas réalisable avec les moyens actuels.
Ne laissez pas tomber !
Votre concept vous servira de guide pour aller plus loin. Ce n’est pas parce que votre idée vous parait impossible, qu’il faut abandonner. C’est l’erreur que beaucoup commettent et c’est très dommage. Voyez la suite…
L’idée que vous émettez est votre point de départ, pas une fin.
Quelques exemples : Guy Laliberté a émis l’idée inédite d’un spectacle fait de numéros d’artistes de rue sous un chapiteau. James Dyson a imaginé l’aspirateur sans sac. Swatch s’est fixé comme objectif de concevoir une montre de qualité suisse, à bas coût et fabriquée industriellement.
Chacune de ces idées étaient impossibles à réaliser avec les démarches traditionnelles. Mais avec l’apport de technologies venues d’un autre secteur, ou bien avec une autre façon de penser, le champ des possibles s’élargit.
- Affinez votre idée progressivement
A partir du concept que vous avez établi, repartez explorer d’autres connaissances qui vous permettraient de le rendre possible. Vous aurez de nouvelles intuitions. Puis revenez à votre concept pour le modifier, y intégrer de nouvelles idées.
Faites cet aller-retour entre les connaissances et votre concept autant de fois que nécessaire, jusqu’à arriver à une solution réalisable. Au bout d’un certain temps, vous sentirez le besoin de réaliser des prototypes pour mettre au point votre idée. Dans tous les cas, ce sont les nombreux allers-retours entre la connaissance et les concepts qui vous permettront de passer du concept impossible à l’innovation qui marche.
Reprenons les exemples : c’est lors d’une tournée d’un an pour célébrer le 450ème anniversaire du voyage de Jacques Cartier que Guy Laliberté a mis au point les principes du Cirque du Soleil. James Dyson a construit 5127 prototypes de l’aspirateur Dual Cyclone avant d’aboutir.
L’approche de la théorie Concept-Knowledge vous permet de vous frayer un chemin vers l’innovation au milieu d’un océan d’incertitudes et d’inconnu. Elle peut être votre guide sur le chemin de l’innovation.
C’est une démarche méthodique qui vous permet de comprendre que chaque aller-retour entre les concepts et la connaissance n’est pas un échec mais bel et bien une avancée.
Vous pourrez aussi apprécier l’article sur la Swatch:
Une innovation de rupture via la méthode Concept-Knowledge
Vous pourrez aussi lire l’article qui relate l’exemple du Cirque du Soleil: Pourquoi la méthode Blue Ocean ne suffit pas







La démarche que vous décrivez et celle que j’ai suivi sans le savoir car je voulais trouvé une solution à un problème qui me concerné et ma femme aussi, de façon plus forte que la majorité de la population. Notre problème était les courants d’air générés par les clim. C’est un avantage d’être hors cadre professionnel, vous n’avez pas à faire face aux des préjugés de vos collègues ou des experts de la profession, vous avancez à vitesse de votre réflexion et de vos moyens.
En plus de la motivation, la diversité des technologies courantes que je maîtrise a été un vrais plus et l’écoute de l’émergence de nouvelles technologies indispensable.
J’ai entrepris une nouvelle démarche sur le problème du déplacement des personnes en Mongolie, en effet la vitesse moyenne de déplacement est proche de 30 km/h. Le concept semble très intéressant et n’avoir était exploré par personne. Le projet de Bertrand PICCARD développe une des briques technologiques clés.
Au plaisir de se rencontrer et d’en discuter si vous passez par Strasbourg.
Il est très vrai qu’il est difficile d’innover sans collaboration. D’ailleurs, il y a des travaux de recherche à HEC Montréal qui montrent que la présence de communautés informelles où les idées sont échangées librement est essentielle pour un création efficace d’innovations. Ces travaux sont en cours et n’ont pas encore été publié. Je vous recommande le livre « Creativity Inc » écrit par Ed Catmull, patron de Pixar. Ce livre décrit bien les clés qui ont permis aux équipes de Pixar d’être et de rester très créatives.