Comment savoir si une innovation est trop en avance sur son marché ?

Une innovation est-elle trop en avance ?Lorsque je donnais une conférence, quelqu’un dans le public m’a posé cette question très intéressante…
L’enjeu est de taille… Lorsque les ventes tardent à décoller, il est légitime de se poser la question. Voici ma réponse…

Faut-il persévérer ?

Faut-il persévérer et prendre le risque de s’entêter inutilement dans un business voué à l’échec ? Les ventes n’ont pas décollé, elles ne décolleront peut-être jamais… Alors pourquoi continuer ?
Certains vous diront : « oui il faut abandonner car persévérer c’est perdre son temps. » Les idées toutes faites fusent dans votre entourage et on vous dit : « si le marché ne prend pas au bout de 2 ans, c’est qu’il ne prendra jamais. » Ce qui est faux. L’IPod a vu ses ventes s’accélérer au bout de 3 ans… Vous pouvez lire mon article à ce sujet

Faut-il abandonner ?

Faut-il abandonner au risque de le regretter plus tard lorsque le marché a aura finalement décollé ?
Et si d’autres reprennent l’idée quelques années plus tard, lorsque le marché sera « mûr », est-ce que vous n’aurez pas d’amers regrets ? Le marché met peut-être du temps à décoller, si vous abandonnez trop tôt, vous perdez tout.

Comment savoir si vous êtes sur la bonne voie ?
Comment savoir si vous perdez votre temps
ou si votre persévérance va payer ?
L’exemple du logiciel HP OpenView

Chez HP, j’ai travaillé sur le marketing de la première version du logiciel de gestion de réseau pour PC, HP OpenView. C’était en 1988 et la plupart du temps, seuls quelques ordinateurs étaient connectés par un réseau local limité au même étage d’un bâtiment. Ce logiciel permettait de visualiser l’état d’un réseau de PCs pour avoir accès à une imprimante par exemple…

Dans les deux premières années, le produit fut un échec commercial:
Les clients potentiels avaient des besoins très limités et estimaient que le produit n’apportait pas un bénéfice suffisant. Certains membres de l’équipe, découragés, quittaient le projet. Les autres se demandaient s’il fallait poursuivre les efforts ou non. C’est alors que j’ai rejoint l’équipe pour prendre en charge le marketing de cette innovation.

J’étais devant un dilemme :
Fallait-il fermer le projet parce que le produit ne se vendait pas ? Fallait-il persister parce que le marché pouvait être prometteur dans le futur ?

Pour trouver la réponse, j’ai cherché à répondre à deux questions distinctes :

  1. Le produit a-t-il le potentiel de s’ouvrir à un large marché ?
    Même si les réseaux de PCs étaient peu développés, le nombre de PCs installés devenait croissant et le besoin de partage entre utilisateurs croissait constamment. La réponse était oui.
  2. Le produit peut-il se développer sur une première niche de clients ?
    Une première niche était constituée de services administratifs d’entreprises installés dans des campus dont les utilisateurs avaient besoin de partager des fichiers sur des serveurs communs. Ces entreprises ont été les premières à interconnecter ces réseaux locaux entre eux. Leur réseau était suffisamment complexe pour nécessiter des outils d’administration comme OpenView. Les ventes d’OpenView sur cette niche ont commencé à décoller.

Le succès sur cette première niche a eu deux effets:

  1. D’une part, il a montré que le produit répondait à un besoin réel et que son existence était justifiée.
  2. D’autre part, le feedback des premiers utilisateurs a été une source précieuse d’informations pour prioriser les améliorations dans la fonctionnalité et toucher un marché plus large.

Plus tard, le succès du produit s’est confirmé permettant à HP d’agrandir la gamme des produits OpenView. HP est devenu le leader incontesté du marché de la gestion de réseau pour l’informatique distribuée.

Quelles leçons peut-on en tirer ?
  1. Plus vous êtes innovant, moins le marché vous attend.
    Lorsque vous créez un marché par une innovation de rupture, vous avez souvent l’impression d’être en avance sur le marché. Peu de clients potentiels croient à votre innovation. Passionné par votre idée, vous avez l’impression d’être incompris… Mais ne vous découragez pas. Le marché peut évoluer si vous adoptez une stratégie adaptée…
  2. Si vous pensez être trop en avance, c’est peut-être que vous avez choisi la mauvaise cible.
    Le fait que le marché résiste à adopter votre innovation ne signifie pas que vous n’ayez aucun marché. Vous devez chercher une niche pour générer votre innovation. Bien sûr, cela signifie que vous adapterez votre concept aux besoins spécifiques de cette niche. Il vous faudra modifier votre idée initiale.
  3. Soyez constamment à l’écoute
    Trouvez une niche prête à accepter votre innovation. Ne cherchez pas immédiatement à attaquer un marché large qui ne sera pas prêt à accepter votre innovation. La qualité des interactions avec vos prospects et premiers clients vous permettra de comprendre véritablement les besoins de ce marché que vous êtes en train de créer…
    Votre première niche vous donnera les indices pour améliorer votre produit afin de cibler un marché plus large.
Une question mal formulée, c’est un problème mal perçu…
Vous comprenez désormais pourquoi l’expression « Etre trop en avance sur le marché » n’a pas de sens.

C’est VOUS qui créez le marché, en trouvant la niche qui est prête à accepter votre innovation.

Vous développez ensuite le marché à partir de là. Ce faisant, c’est vous qui fixez l’évolution du marché.

N’hésitez pas à apporter votre témoignage pour en discuter dans les commentaires…

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4 réflexions sur « Comment savoir si une innovation est trop en avance sur son marché ? »

  1. Votre article m’intéresse tout particulièrement car il correspond aux questions que je me pose actuellement.
    Spécialisé dans l’intégration des technologies de réalité virtuelle et réalité augmentée à destination de l’industrie et de la construction, j’ai le sentiment de tenir le même discours depuis bientôt 8 ans auprès des entreprises. Les demos que je peux faire sur ces technologies amènent souvent la même réflexion « mais c’est genial votre système, c’est l’avenir!!! ». Sauf que c’est pas l’avenir c’est maintenant!! et qu’il est possible des aujourd’hui d’envisager des retours sur investissement de l’usage de ces technologies.
    Mais là pour franchir le pas c’est autre chose.
    Je me demande par moment si l’évolution technologique et ses possibilités d’utilisation ne va pas plus vite que les capacités qu’on les entreprises à les digérer. Et comme m’a dit mon père pour qu’une techno devienne mature et incontournable il faut 25 ans, sauf que mon banquier n’attendra pas!! Donc pour ma part je persévère, car l’usage de ces technos interactives me semble incontournable comme l’est aujourd’hui l’usage de la CAO.

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